VINCI AUTOROUTES : Une DRH condamnée pour des propos outrageants sur les salariés

Toute structure de droit privé ou publique est soumise à l’obligation de se conformer à la Règlementation Européenne et à la législation nationale en matière de protection des données à caractère personnel.

Les différents Responsables de traitements ont pour reflexes de concentrer leurs efforts sur la protection des données de leurs clients/patients/prospects ou de manière générale sur toutes les personnes bénéficiaires de leurs services.

Or, la protection des données n’est pas limitative et concerne également les collaborateurs de ces structures dont les données sont nécessairement collectées et traitées dans le cadre de leur relation de travail.

Ainsi, les services des Ressources Humaines sont au cœur du processus de mise en conformité et disposent systématiquement de nombreuses actions de mise en conformité pour adapter leurs pratiques à la règlementation susmentionnée.

Le non-respect de la législation est susceptible d’entraîner des sanctions, c’est l’exemple de la condamnation de la DRH de la société VINCI AUTOROUTES situé dans la région Centre-Auvergne.

En l’espèce, la DRH a alimenté un fichier Excel listant 180 salariés de la société en y adjoignant des commentaires négatifs tels que « mytho », « enfant gâtée » « élu syndical pas possible de le licencier » « suspicion d’alcoolisme », « hygiène de vie pas bonne », « fainéante », etc. Outre l’atteinte à la dignité des salariés, ces propos sont en violation avec les principes du RGPD.

En effet, ces qualifications constituent des jugements de valeur répréhensibles conformément aux principes de complétude des zones de libres commentaires. De plus, le Responsable de traitement est tenu, entre autres obligations, de traiter les données de façon loyale, licite et transparente, de veiller à leur sécurité et de traiter ces données dans un but légitime.

De ce fait, ce fichage illégal viole l’ensemble de ces principes, pouvant entraîner la prononciation d’une sanction par la CNIL.

Ce scandale révélé par Médiapart il y a 3 ans, a été jugé le 2 octobre 2023 par le tribunal de Brive-la-Gaillarde, lequel a condamné la désormais ancienne DRH a une peine de six mois de prison avec sursis.

L’avocat de salariés girondins concernés par ce fichage, Maître François Ruffié, souhaite aller plus loin et déposer plainte contre Vinci, estimant que « C’est assez peu moral que ce soit elle qui assume seule tous ces dommages et intérêts, il semblerait normal que son employeur mette la main à la poche », il ajoute que « les salariés considèrent qu’elle ne l’a pas fait de son propre chef, mais sur instruction ou au moins au service de son employeur, Vinci. » Ces accusations portent sur le détail de certains commentaires retrouvés au sein du fichier Excel de l’ancienne DRH, faisant état d’informations « que la DRH n’a pu avoir que par des éléments fournis par le groupe ».

Pour rappel, lorsque des manquements au RGPD ou à la loi sont portés à sa connaissance, la CNIL peut :

  • Prononcer un rappel à l’ordre ;
  • Enjoindre de mettre le traitement en conformité, y compris sous astreinte ;
  • Limiter temporairement ou définitivement un traitement ;
  • Suspendre les flux de données ;
  • Ordonner de satisfaire aux demandes d’exercice des droits des personnes, y compris sous astreinte ;
  • Prononcer une amende administrative jusqu’à 20 millions d’euros ou jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial pour les entreprises.
  • Rendre publique la ou les sanctions prononcées.

Par conséquent, il n’est pas exclu que ce jugement rendu par le tribunal de Brive-la-Gaillarde soit la seule sanction prononcée à l’égard de l’ancienne DRH ou plus spécifiquement du Responsable de traitement, Vinci.

Cette sanction est également l’occasion de rappeler l’omnipotence de la mise en conformité au RGPD des services internes d’un organisme, notamment du service des Ressources Humaines qui est amené à collecter et traiter un nombre considérable et continue de données à caractère personnel.

En l’absence d’engagements et d’actions suivies de mise en conformité pour cette typologie de service interne, la société s’expose à des pratiques illégales et dangereuses ainsi qu’à de graves sanctions comme le démontre le présent jugement.